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Zones blanches de blouses blanches, quelle place pour la télémédecine dans les territoires ruraux ?

Dans son document « Synthèse de l’activité régulière 2018 », le Conseil national de l’ordre des médecins dresse un constat sans appel de la situation médicale française. Il note en effet une érosion continue entre 2010 et 2018 des effectifs de médecins généralistes. Il observe par ailleurs un creusement des inégalités territoriales dans la densité médicale toutes spécialités confondues, ainsi qu’un lien très significatif, inversement proportionnel, entre la densité médicale des départements et la proportion (%) des plus de 60 ans de la population générale.

La désertification médicale est dès lors une réalité vécue par de nombreux Français et Françaises. Plusieurs leviers ont été testés pour pallier ce problème — médecins salariés par les collectivités, mise à disposition de locaux, subventions d’installation —, avec une efficacité très réduite. Entre les villes et la campagne, la médecine française fonctionne à deux vitesses. La télémédecine sera-t-elle le bon remède ?

 La ruralité cumule les difficultés dans l’accès aux soins

Les cartes des déserts médicaux montrent que les pénuries de médecins généralistes touchent durement certaines zones urbaines telles que la région parisienne par exemple. Dans sa synthèse de l’activité régulière, le Conseil national de l’ordre des médecins relève ainsi que « les plus fortes densités sont notées dans le sud-est de la France, l’arc atlantique, les départements urbains hospitalo-universitaires et les départements frontaliers de l’Est de l’Hexagone. » Ce problème ne concerne donc pas uniquement les territoires ruraux. En revanche, ce qui est propre à ces territoires c’est de cumuler ces difficultés avec d’autres. Ainsi, on y retrouve également le plus fort taux d’éloignement des services d’urgence ou encore l’absence de couverture par SOS médecins pour lesquels l’activité n’est pas suffisamment rentable. Les aides à l’installation fonctionnent encore moins bien qu’ailleurs, les petits villages ruraux peinant à convaincre de jeunes médecins de venir s’installer avec leurs familles dans des zones éloignées de toutes les activités et services publics.

La télémédecine est dès lors perçue comme la solution à l’absence de médecins.

Les Français et les Françaises seraient prêts ?

Selon une étude[1] réalisée par BVA pour la société Zava (site de consultations médicales), dévoilée par Le Parisien en juin 2017, plus d’un Français sur deux (51 %) a déjà utilisé un service en ligne d’accès aux soins. Ainsi, un Français sur trois a déjà pris un rendez-vous médical grâce à Internet, un sur quatre a acheté des médicaments en ligne (sans ordonnance) et, enfin, 3 % ont déjà consulté un médecin en ligne. Au final, 42 % des sondés se disent prêts à téléconsulter. Les Français paraissent donc mûrs pour la médecine digitale.

S’ils le sont — les outils, et notamment les connexions Internet, le sont-ils également ? Car qui dit télémédecine, dit liaison Internet ou a minima téléphonique. Et malheureusement, les cartes des déserts médicaux se chevauchent souvent avec celles des zones blanches. Il semble pourtant que ce ne soit pas un véritable frein au développement de la télémédecine. Dans les zones blanches, c’est-à-dire non desservies par l’ADSL, le réseau satellitaire peut s’avérer une alternative intéressante, de même que les connexions 3G ou 4G. L’installation de cabines de télémédecines ou de permanences de téléconsultations dans les mairies ou bâtiments municipaux peut permettre de rapprocher les praticiens de leurs patients en diminuant la distance entre leurs domiciles non couverts par le réseau Internet ou téléphonique et les lieux consultation. Comme le souligne l’avis du Conseil économique social et environnemental de décembre 2017 sur les déserts médicaux , la télémédecine est d’ores et déjà utilisée de manière particulièrement pertinente dans les outre-mer  : à Saint-Pierre-et-Miquelon, la téléexpertise s’est substituée à la venue de spécialistes de la métropole (diminuant ainsi drastiquement le coût unitaire de la consultation qui s’établissait à 2 000 €) ; en Guyane, un médecin généraliste situé en pleine forêt amazonienne dans un dispensaire peut téléconsulter un autre spécialiste à Cayenne ; en Nouvelle-Calédonie des

patients insuffisants rénaux assistés d’un infirmier et surveillés à distance par un médecin à Papeete peuvent faire leur dialyse.  

Il est indéniable que la télémédecine abolit les distances. 

La place du numérique dans la relation médecin-patient

En France, la loi « Hôpital, patient, santé, territoires » du 21 juillet 2009 dite loi HPST définit la télémédecine et lui donne un cadre légal. « La télémédecine est une forme de pratique médicale à distance utilisant les technologies de l’information et de la communication ». Le décret du 19 octobre 2010 relatif à la télémédecine en définit les cinq axes constitutifs : la téléconsultation, la télé-expertise, la télésurveillance médicale, la téléassistance médicale ». Au-delà du remboursement de la téléconsultation, depuis février 2019 la télé-expertise, qui permet à un médecin de solliciter l’avis d’un confrère face à une situation médicale donnée, est également prise en charge par l’Assurance maladie.

Ainsi, le cadre juridique existe et semble protecteur pour les patients. La commune de Gentilly (@@@@@2019) a ainsi ouvert un service de téléradiologie en mars 2018. De son côté, le village du Favril (@ 2018) inaugure cette semaine la première cabine de téléconsultation en France.

Pourtant, dès 2009, le Conseil national de l’ordre des médecins a déclaré que « la pratique de la télémédecine ne saurait venir contribuer à une déshumanisation de la relation avec le patient. » Le rapport des délégués nationaux à l’accès aux soins publié en octobre 2018 souligne en effet, qu’au regard de la méfiance des médecins sur ce nouvel outil la clé de la réussite est l’accompagnement de “l’appropriation des nouvelles technologies par les professionnels de santé”. Il est ainsi important de bien expliquer que lorsqu’on parle de télémédecine, on ne parle pas d’un algorithme qui remplacerait le praticien, mais de la mise en relation entre un patient et un professionnel de santé.

Outre la réticence des médecins, et de certains patients, et la couverture numérique parfois insuffisante, l’avis du CESE précité relève une autre difficulté majeure : la tarification des actes de télémédecine. L’instance précise que “mettre en place un cadre tarifaire adapté inciterait les acteur.rice.s à s’organiser pour résoudre les obstacles techniques et, par suite, permettrait à la télémédecine de démontrer ses bienfaits auprès des patient.e.s et des professionnel.le.s de santé.”

 Si la télémédecine ne fait pas de miracle — cela ne reste qu’un outil — elle permet à des patients d’avoir accès à des médecins et c’est déjà fondamental.

 [1]* Sondage BVA pour Zava réalisé en avril auprès de 1 000 personnes âgées de plus de 18 ans.

 La télémédecine en zones rurales : notre dossier spécial

À vos marques ! Prêts ? Partez ! Depuis le 15 septembre 2018, et l’avenant 6 à la convention médicale, la téléconsultation, c’est-à-dire la consultation à distance entre un médecin et un patient, est prise en charge par l’Assurance Maladie de la même manière qu’une consultation classique (de 25 € à 30 € selon les cas). Elle est ouverte à tous les médecins, quelle que soit leur spécialité, y compris pour la prise en charge des consultations psychiatriques. Elle doit s’inscrire dans le cadre traditionnel du parcours de soins, et donc passer par le médecin traitant. Par ailleurs, le patient doit être connu du médecin traitant ou spécialiste qui réalise la téléconsultation. La mise en place de la télémédecine en général, et de la téléconsultation en particulier, est un enjeu clé pour l’amélioration de l’organisation du système de santé et l’accès aux traitements pour tous les assurés sur le territoire. Comme le souligne Ameli.fr, « elle permet une prise en charge et un suivi plus rapide, en évitant que des patients renoncent à des soins, car ils ne trouvent pas de médecins spécialistes ou à cause de délais de prise en charge trop longs. » Mais qu’est-ce que la télémédecine exactement ? Quel est son encadrement juridique ? Si cette nouvelle technologie apparaît comme la solution aux déserts médicaux dans les territoires ruraux, comment cela s’articule-t-il avec la fracture numérique ? Des enjeux qui concernent les Villes Internet !

Par Anna Mélin