Appel d’Amiens, “Imaginons ensemble la démocratie de demain”
À l’occasion de la cinquième édition des Rencontres de la participation à Amiens, les équipes de Décider ensemble ont publié un Appel à l’attention des futurs candidats aux élections présidentielles et législatives. Celui-ci énonce 5 grands objectifs qui leur paraissent prioritaires pour renouveler notre démocratie et imaginer de nouveaux systèmes de décisions. Florence Durand-Tornare, fondatrice et déléguée générale de Villes Internet, est signataire de cet appel.
Imaginons ensemble la démocratie de demain
« La démocratie disait Churchill, est le pire des systèmes, à l’exclusion de tous les autres ». Célèbre formule pour un régime imparfait dont l’ambition jamais atteinte doit nous pousser à la vigilance, à la réflexion et à l’innovation.
Si la démocratie reste intrinsèquement un facteur de paix, de concorde, organisant les relations non violentes entre les oppositions, permettant la justice et la liberté, partout dans le monde les grandes démocraties sont mises à l’épreuve. Elles font face à de nombreux défis internes et externes : d’une part la fracture sociale et territoriale, l’érosion du lien entre le peuple et ses représentants, l’abstention, la montée des extrêmes et de l’autre le développement de régimes autoritaires qui vident « le pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple » de toute réalité. Cette lente mais continuelle érosion a été exacerbée par la crise sanitaire qui s’est ajoutée aux crises sociale, économique et écologique.
Si la démocratie doit être renforcée, nous devons également être conscients qu’il s’agit désormais de la préserver.
Les 5èmes Rencontres de la participation à Amiens ont vocation non seulement à alerter sur cette crise démocratique que nous traversons mais également à penser et proposer des réponses, des solutions, des idées. Avec vous.
Si nous sommes des vigies, des lanceurs d’alerte, des acteurs engagés alors nous pensons que tout citoyen a vocation à l’être. Nous vous proposons, à quelques mois des grandes échéances électorales nationales, de reprendre la parole et de faire entendre notre voix dans le débat. Dans un contexte de crise de la représentation, le renforcement de la participation citoyenne du local à l’Europe est nécessaire pour que nous puissions nous réapproprier notre démocratie et notre Europe.
Nous proposons, pour lancer le débat, comme première contribution, cinq grands objectifs aux candidats aux prochaines élections présidentielles et législatives. On nous dira naïfs ? Nous devons tous ensemble reprendre en main ce qui nous concerne, notre destinée commune. Avons-nous simplement le choix ? Le cynisme régnant doit céder sa place à la mobilisation de tous au profit de tous et à une ambition démocratique nationale et européenne.
Pour une diffusion d’une culture de la décision partagée
Nous devons tout d’abord faire évoluer l’état d’esprit jacobin et pyramidal qui, en France, conduit à la prise de décision. A tous les niveaux institutionnels, de la mairie à l’Etat, au sein des entreprises, des associations, des fédérations, le développement et l’appropriation d’une culture du dialogue et du débat permettra d’aboutir à des décisions mieux construites, mieux fondées et mieux acceptées par tous. Transition écologique, accroissement des inégalités… c’est par l’échange, sans confiscation, au sein même de la société que les équilibres doivent être trouvés pour être admis.
Nous pensons que toute parole est porteuse de sens. Elle mérite écoute et prise en compte. C’est ainsi que pourra renaître une culture civique et un intérêt renouvelé des citoyens pour la chose publique.
Pour une politique d’éducation à la démocratie
Cette culture de la décision partagée ne peut être envisagée que si nous proposons dès le plus jeune âge, à tous, une véritable éducation à la démocratie. La démocratie ne se résume pas au vote, loin de là. Au-delà de l’Etat de droit, de la Liberté et de l’égalité, du respect du fait majoritaire et des droits de la minorité, elle nécessite une compréhension claire des enjeux. Et si, comme nous le pensons, chaque expression compte, chacun doit pouvoir prendre (et oser prendre) la parole et s’engager. Les réflexions doivent se poursuivre pour développer des processus inclusifs et représentatifs permettant à chacun d’avoir sa place dans le débat : femmes, minorités, jeunes générations…. C’est un impératif à l’heure où les inégalités s’accroissent sans cesse et où la pauvreté explose.
Le numérique, y compris les réseaux sociaux, sont des outils pouvant permettre d’élargir le débat et de créer de nouveaux espaces de discussions. A condition que chacun puisse s’en saisir (l’illectronisme est une réalité en France) et en apprenne le maniement et les pièges, à l’heure de la montée en puissance des fake news.
Nous devons donner les clefs à chacun pour devenir un « citoyen éclairé » à travers l’éducation, l’information et la pratique du débat.
Pour une démocratie vivante
Afin de développer cette culture de la décision partagée pour tous, nous pensons qu’il faut donner au citoyen – entre les périodes électorales où l’on fait explicitement appel à lui – de réelles possibilités de participer à la co-construction de la décision publique. Des dispositifs existent, il faut accroitre leur notoriété. De nouveaux, plus ambitieux, sont à inventer ensemble. En veillant au respect de règles éthiques indispensables et en apportant les moyens suffisants en temps, en compétences et en budget, la démocratie participative verra sa légitimité s’accroitre et pourra prendre place aux côtés de la démocratie représentative.
Ces initiatives doivent faciliter l’expression, l’engagement de tous. Elles devront également permettre d’en finir avec la dictature du court terme et la tyrannie de l’urgence qui paralysent nos sociétés en empêchant toute pensée constructive sur le long terme. En s’inscrivant dans le temps long, en partie hors des cycles électoraux, cette démocratie revigorée pourra s’orienter vers les grands enjeux structurants et se tourner vers les besoins des générations futures.
Pour des territoires plus forts
C’est sans doute à partir de nos « Territoires » que cette mutation de nos systèmes de décisions pourra le mieux se développer. Déjà, au niveau local, fleurissent les innovations démocratiques, se développent des politiques écologiques ambitieuses et concrètes. Nous le savons tous, la France souffre de son centralisme. Ce qui, sur la longue durée, a contribué à son histoire s’avère désormais un handicap majeur : la crise sanitaire en témoigne avec force. Il devient indispensable, pour notre démocratie et notre contrat social de donner plus de liberté et de marge de manœuvre aux initiatives et aux acteurs locaux, de donner aux territoires (citoyens, collectivités, associations, entreprises, corps intermédiaires…) les clefs de l’innovation et de l’expérimentation en favorisant le dialogue entre tous.
Pour un renouvellement profond de nos institutions
Enfin, nos institutions par trop centralisées doivent s’adapter à nos besoins. Elles ont désormais plus de 60 ans, un âge proche de la retraite. Il ne faut pas avoir peur de les interroger, de les faire évoluer au regard du contexte actuel. C’est, en France, une nécessité si nous voulons plus de transversalité dans nos processus de décision, plus d’engagement de tous et l’acceptation sociale des choix, si nous voulons une réelle articulation entre représentation et participation.
Les pistes sont nombreuses et connues, il faut les mettre en débat : renforcer le rôle du Parlement, introduire une véritable dose de proportionnelle dans les différents scrutins, donner aux citoyens la possibilité d’être acteur de la Loi (en mettant en place des niches parlementaires citoyennes ?), organiser des assemblées citoyennes permanentes etc. Une démocratie renforcée par des citoyens engagés sera le gage d’une plus large liberté et d’une plus grande efficacité contre les blocages qui nous contraignent.
Les Rencontres de la participation à Amiens vont mettre en débat ces questionnements et ces pistes. Saisissez-vous-en ! La démocratie ne se limite pas au choix de représentants. Elle prend appui et se fonde sur un ensemble de structures inventées, imaginées, au fil de notre histoire par ce qu’il est convenu d’appeler la « société civile ». Alors, si comme nous, vous pensez qu’il est plus que temps de rénover notre démocratie, de permettre l’engagement de tous, de faciliter le « vivre-ensemble », d’améliorer notre efficacité tout en préparant l’avenir, rejoignez-nous, agissez, participez : la période est propice. Et l’urgence est là.