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Budget du numérique, faire plus avec moins

Appelées chaque jour à conduire leur transformation numérique, les collectivités locales n’en ont malheureusement pas encore les moyens techniques et financiers. Il s’agit pourtant d’un enjeu de société : créer des services publics plus performants, inclusifs et durables. Le numérique est dès lors devenu un investissement nécessaire pour un service public plus efficace et moins onéreux pour les collectivités territoriales, tel que le souligne la motion du deuxième congrès national des élus au numérique remise aux conseillers du Président de la République et du Premier ministre. Néanmoins, ce double objectif n’est pas toujours rempli. Dans un contexte de contraction budgétaire, les collectivités doivent engager de nouvelles dépenses d’investissement, et aussi de fonctionnement. Or, l’argent posé sur la table du numérique ne génère pas forcément des économies à court terme. Il est indispensable de le voir comme un placement d’avenir.

 Le budget du numérique n’est pas à la hauteur des ambitions

 Syntec Numérique, fédération qui rassemble 3000 groupes et sociétés françaises spécialisés dans le numérique, a publié 9 propositions pour un numérique au service des territoires à l’occasion de la campagne des élections municipales 2020. On y trouve la simplification des démarches avec la numérisation des services ; la fluidification du parcours usager avec la mise en place d’un point unique d’accès dématérialisé à ces services ; le renforcement de la démocratie participative, etc. La neuvièmerecommandation est de financer la transition numérique de la collectivité. Le chiffre clé illustrant la difficulté du financement est éloquent : 59 % des collectivités interrogées dans le baromètre 2018 Syntec Numérique/IDC citent le manque de dotation comme frein à l’accélération de la transformation numérique des villes.

C’est donc bien là où le bât blesse, d’autant que plusieurs postes budgétaires sont concernés par ce sujet transversal. La digitalisation des collectivités nécessite une part importante de formation des agents qui a un coût non négligeable. Dans un article sur la face cachée de la digitalisation dans les collectivités territoriales, le Courrier des maires relève qu’on « aboutit ainsi à des situations paradoxales où les démarches de digitalisation permettant de réaliser des économies entraînent à court terme l’inverse, avec des investissements numériques et des coûts supplémentaires pour la collectivité. Ces investissements supplémentaires sont souvent dus aux coûts cachés qui étaient mal ou non anticipés, comme les formations, la rédaction de nouvelles procédures de travail, les négociations avec les agents autour des contraintes de flexibilité et le temps d’explication aux usagers. »

Des mesures pour soutenir la transformation numérique des collectivités existent

Le plan national Action cœur de ville répond à une double ambition : améliorer les conditions de vie des habitants des villes moyennes et conforter la mission motrice de ces villes dans le développement du territoire. À travers ce plan, l’État joue un rôle de facilitateur pour permettre aux territoires de réaliser leurs projets. Pour ce faire, cinq milliards d’euros ont été mobilisés à l’échelle nationale sur cinq ans, dont 1 milliard d’euros de la Caisse des dépôts en fonds propres, 700 millions d’euros de prêts, 1,5 milliard d’euros d’Action logement et 1,2 milliard d’euros de l’Agence nationale de l’habitat (Anah). Parmi les cinq axes de développement, « l’accessibilité, les mobilités et connexions », et donc le numérique. Néanmoins, il est impossible à ce stade de connaître la part consacrée au numérique sur l’ensemble des financements accordés.

Le 13 septembre 2019, le Premier ministre a annoncé les 24 territoires lauréats de l’action « Territoires d’innovation », destinés à être soutenus par l’État dans le cadre du Grand Plan d’Investissement à hauteur de 450 millions d’euros, pour réaliser à grande échelle des innovations répondant à des besoins de transformation exprimés par les acteurs des territoires lauréats. Sur les vingt-quatre projets retenus, cinq portent sur la transition numérique des territoires. De nouveau, la part de ce financement sur l’ensemble du budget déployé n’est pas connue.

 France Relance : de nouvelles perspectives pour muscler l’inclusion numérique des collectivités après la crise sanitaire

 À la suite du confinement et de l’arrêt quasi complet de l’économie du pays pendant plusieurs semaines, le gouvernement a annoncé en septembre dernier mettre en place un plan de relance de l’économie de l’ordre de 100 milliards d’euros, un peu moins de sept d’entre eux doivent être consacrés à la transition numérique entre 2020 et 2021. Si 3,7 milliards d’euros atterrissent dans les start-up de la French Tech, 500 millions sont prévus pour déployer la fibre et permettre la formation des personnes les plus éloignées du numérique, 2,3 milliards pour accélérer la transformation numérique de l’État, des territoires et des entreprises et 300 millions seront destinés à la formation aux métiers du numérique.

 Un rapport du Sénat juge cependant cet investissement au service du numérique insuffisant

 Dans un rapport adopté jeudi 17 septembre 2020, la mission d’information dédiée à la lutte contre l’illectronisme et pour l’inclusion numérique du Sénat a formulé 45 propositions et appelé à une mobilisation des territoires pour « la réussite de la politique publique d’inclusion numérique ». Et les auteurs ne sont pas tendres avec le bilan numérique du gouvernement : « Le plan de relance, présenté en septembre 2020, acte d’ailleurs l’insuffisance des moyens initialement alloués à la stratégie et sa faible ambition : le Gouvernement entend désormais consacrer 250 millions d’euros d’ici 2022 à la formation de 4 millions de Français. La mise en œuvre de cette stratégie est cependant à la peine. Seulement 209 000 pass numériques qui doivent servir à payer la formation numérique ont été à ce jour achetés, et peu ont été utilisés, obérant la cible de 2,5 millions de Français formés d’ici 2022. La mission d’information est bien consciente des difficultés rencontrées dans l’élaboration et l’application de cette politique nouvelle, mais le rythme de déploiement doit s’accélérer compte tenu de l’urgence économique et sociale. »

Parmi les 45 propositions, les sénatrices et sénateurs suggèrent de passer d’une logique de services publics 100 % dématérialisés à une logique de services publics 100 % accessibles, de conserver la faculté d’un accès physique ou un accueil téléphonique aux services publics, en nombre suffisant, et pour l’ensemble des démarches dématérialisées, ou encore de pérenniser la plateforme Solidarité numérique.

 

Par Anna Mélin