Entre l’urgence de l’installation et la prudence nécessaire, la 5G sous tension (Chapitre 2)
La 5G, cinquième génération de standards de téléphonie mobile, est en pleine expérimentation en France. Selon l’Arcep[1], elle devrait permettre d’améliorer les débits, de réduire les délais de transmission et d’accroître la fiabilité des communications, et ainsi rendre réalisables des usages connectés aujourd’hui impossibles (Chapitre 1). Néanmoins, des voix inquiètes se font entendre et mettent en garde sur les impacts écologiques et sanitaires de cette 5e génération de la téléphonie mobile, alors même que la 4e n’est pas généralisée sur le territoire français (métropole et hors métropole). (Chapitre 2)
Une nouvelle fois, la technologie est au coeur de la géopolitique
Avant même le déploiement du nouveau réseau, la guerre de la concurrence faisait rage et son terrain était planétaire. Le défi financier est immense, personne ne veut passer à côté. Une fois n’est pas coutume, les acteurs principaux sont Chinois et États-Uniens. Les premiers ne cachent pas leur ambition de devenir les leaders du marché et l’avance qu’ils affichent laisse à penser qu’il sont en passe d’y parvenir. Leurs principaux concurrents nord-américains ne sont pas les seuls à être inquiets. En effet, comme le relevait cet article du Monde, “la 5G est perçue par certains Etats comme la boîte de Pandore à ne pas ouvrir car elle transportera les données sensibles des gouvernements, des citoyens, des patients, des objets connectés, demain des voitures autonomes.”
Ainsi, pour les Etats désireux d’accélérer la mise en place de la 5G, une tension importante existe entre deux préoccupations sécuritaires. Celle de bâtir des “infrastructures 5G” suffisamment robustes pour garantir un niveau de sécurité élevé et ne pas devenir la porte d’entrée à des espionnages étatiques, et celle de laisser la possibilité aux services de renseignement d’intercepter, lorsque c’est encadré par la loi et par un juge, certaines communications. Or, selon un rapport de Gilles de Kerchove, coordinateur de la politique antiterroriste de l’Union européenne, la technologie 5G semble, pour le moment, aller à l’encontre de ces deux objectifs.
Les impacts sanitaires et environnementaux soulèvent des inquiétudes
Bluetooth, Wi-Fi, téléphones portables, 2G, 3G, 4G et bientôt 5G, les technologies recourant aux radiofréquences s’additionnent depuis 20 ans. De ce fait, les sources de champs électromagnétiques se multiplient dans notre environnement. Ce sujet fait ainsi l’objet d’une actualité permanente tant du point de vue scientifique que politique et médiatique. Chaque nouvelle technologie utilisant des radiofréquences aux ondes électromagnétiques soulève en effet les préoccupations d’une partie de la population. De nombreux citoyens redoutent d’y être exposés avec les conséquences que cela a ou pourrait avoir sur leur santé.
Pour répondre à ces inquiétudes, l’Anses a créé en 2011 un groupe de travail « radiofréquences et santé » dont l’activité d’expertise s’inscrit dans un contexte de relations fortes avec la recherche et les parties prenantes. Les conclusions de l’évaluation des risques publiées en 2013 ne mettent pas en évidence d’effets sanitaires avérés. Certaines publications évoquent néanmoins une possible augmentation du risque de tumeur cérébrale, sur le long terme, pour les utilisateurs intensifs de téléphones portables et très particulièrement les enfants. Publications en cohérence avec le classement des radiofréquences proposé par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) qui définit les utilisateurs intensifs des téléphones mobiles à un risque « cancérogène possible ». A contrario, les études relèvent que les fréquences hautes, dont certaines seront utilisées par la 5G, pénètrent moins le corps humain. L’agence conclut alors que « compte tenu de ces éléments, il n’apparaît pas fondé, sur une base sanitaire, de proposer de nouvelles valeurs limites d’exposition pour la population générale. »
Pourtant, en 2017, cent soixante-dix scientifiques, issus de 37 pays dont la France, demandaient encore un moratoire sur le déploiement du réseau de téléphonie mobile de cinquième génération (5G) « jusqu’à ce que des études d’impact sanitaires et environnementales sérieuses et indépendantes aient été réalisées préalablement à toute mise sur le marché ».
Ces alertes n’ont pas suffi à ralentir la poursuite effrénée d’une connexion toujours plus rapide et performante, au point de déjà regarder vers la 6G dont les débits seraient 100 fois plus rapides que la 5G. Toujours plus vite, mais pour aller où et à quel prix ? À cela, les acteurs ne se pressent pas de répondre.
[1] Selon son site Internet, « l’Arcep, est l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse, au statut d’autorité administrative indépendante (AAI). Architecte et gardien des réseaux d’échanges internet, fixes, mobiles, postaux et désormais chargée de moderniser la distribution de la presse, l’Arcep œuvre pour que ces réseaux se développent comme un « bien commun ». »