Entretien avec Catherine Ruffié, DRH de la ville de Roubaix
Vingt-quatre heures avant le début du confinement annoncé par le président de la République, Catherine Ruffié, directrice des ressources humaines de la ville de Roubaix, organisait sa vie familiale pour être opérationnelle pour la séquence qui s’ouvrait. L’anticipation et l’organisation semblent être sa marque de fabrique, cela a été particulièrement utile en période épidémique.
Villes Internet : à quelle proportion aviez-vous mis en place le télétravail avant la crise ?
Catherine Ruffié : Nous avions fini la phase d’expérimentation – une trentaine d’agents était déjà en télétravail régulier, soit 2% des effectifs – et nous prévoyions de le déployer. La délibération en conseil municipal était votée.
Avec le directeur de systèmes d’information (DSI), nous avions constitué un stock d’ordinateurs portables pour les personnes qui n’en étaient pas encore équipées.
Nous avions également mis en place le BYOD pour les téléphones portables. [Selon la CNIL, l’acronyme « BYOD » est l’abréviation de l’expression anglaise « Bring Your Own Device » (en français : « Apportez votre équipement personnel de communication » ou AVEC), qui désigne l’usage d’équipements informatiques personnels dans un contexte professionnel. Il peut s’agir par exemple d’un employé qui, pour se connecter au réseau de l’entreprise, utilise un équipement personnel comme son ordinateur, sa tablette ou son smartphone. NDLR]
Avec ce système, les agents utilisent leurs équipements personnels, nous versons une indemnité pour le forfait et l’usure de l’appareil. Nous y créons une « bulle de sécurité » qui isole totalement le système professionnel du système personnel. Cela passe par une application, lorsque l’agent est en horaires de travail, il l’active comme on active son bluetooth ou son GPS. Il peut ainsi recevoir les appels émis sur des numéros de la ville, consulter sa boite de réception de courriels professionnelle. Puis lorsque sa journée est terminée, il désactive l’application et il ne peut plus être contacté par la mairie sur cet outil. Le système est complètement sécurisé et totalement étanche.
Grâce à cette expérimentation qui avait été concluante, nous avons pu généraliser le principe d’utilisation d’outils personnels utilisés pour le travail dès le début du confinement. Nous sommes alors passés de 2% à 20% des agents en télétravail.
Quel bilan tirez-vous de cette expérience ?
Nous tirons un bilan positif de la généralisation du télétravail pendant le confinement.
Nous avons créé un statut “télétravail pandémie”, car le télétravail pendant l’épidémie n’est évidemment pas similaire au télétravail en temps normal et nous devions le prendre en compte. Mais ce qui a été positif, c’est que la force des choses nous a conduit à généraliser les usages informatiques, y compris pour des agents qui en étaient éloignés. Aujourd’hui, ils et elles maîtrisent les outils et se sentent valorisé·e·s.
Cette expérience va-t-elle changer votre approche de la question ?
C’est probable, mais pour s’assurer que les agents de la ville sont en demande d’une généralisation d’un tel dispositif, nous lançons cette semaine un questionnaire sur le bilan à tirer de cette période. On sait donc que ça va modifier notre approche mais on ne sait pas comment ça va évoluer. À titre personnel, si les agents le demandent et avec les garde-fous nécessaires, j’aimerais qu’on généralise le télétravail. C’est une marque de confiance, des agents se disent “si on me laisse télétravailler, c’est qu’on sait que même si je ne suis pas au bureau, je travaille”. C’est une reconnaissance de leur engagement.
Que devriez-vous faire évoluer pour parvenir une augmentation du nombre d’agents concernés ?
Un des moyens pour y arriver, c’est le matériel. La première étape, c’est d’utiliser le BYOD, puis la deuxième marche c’est de fournir plus d’ordinateurs portables. C’est une condition de l’accélération.
Le deuxième moyen, c’est l’évolution des mentalités. Nous avons fait du chemin ces derniers mois, mais il reste encore du travail pour convaincre les plus sceptiques.
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