Your browser does not support JavaScript!

Fibre : malgré les annonces et les plans de déploiement, certains territoires restent oubliés

Publié le 22 septembre 2021 Innovation Services publics

“La première fracture numérique est celle que j’ai vécue dans mon village. Nous avons été fibrés cette année. Jusqu’à cette année, avoir accès à toute la partie Internet était très compliqué. Ces inégalités socio-territoriales sont liées au développement des infrastructures. […] La première question qu’on nous pose quand on s’installe dans mon village, c’est de savoir si on a la fibre. C’est un facteur d’attraction. C’est également une vraie chance qualitative. Pour certains commerces, l’accès à un bon réseau est indispensable.” Hugo Biolley, maire de Vinzieux (07), conseiller communautaire délégué à la CA Annonay Rhône Agglo.

La France à deux vitesses 

Selon le rapport de Terra Nova La France de la fibre optique publié en avril 2021, la densité de population du territoire est le principal facteur explicatif des inégalités d’accès à une connexion en fibre optique : plus le territoire est densément peuplé, plus la probabilité de pouvoir bénéficier d’une connexion en fibre optique est importante. En effet, pour les opérateurs privés, la rentabilité des projets d’infrastructures tel que le déploiement de la fibre optique est positivement corrélée à la densité de population.

Le plan FTHD distingue deux principales zones : la zone d’initiative privée (18,8 millions de foyers, 55 % de la population), où les personnes publiques n’interviennent que marginalement, et la zone d’initiative publique (14,7 millions de foyers, 45 % de la population), où les réseaux d’initiative publique (RIP) appartenant aux collectivités territoriales sont déployés.

Toutefois, il est d’usage plus courant de distinguer trois zones :

– les zones très denses, qui couvrent les grandes villes et les métropoles et où le marché privé intervient en situation concurrentielle normale (106 communes et 6,1 millions de foyers). 

– la zone conventionnée, dite « AMII » (appel à manifestation d’intentions d’investissement). Dans cette zone moyennement dense (agglomérations, aires périurbaines, soit 3 600 communes et 12,7 millions de lignes), le réseau est privé mais unique. 

– la zone d’initiative publique. Dans les zones peu denses, rurales et de montagne, les plus importantes en surface, les collectivités territoriales déploient les réseaux d’initiative publique pour couvrir 14.7 millions de lignes réparties dans 32 000 communes.

Source : Acerp – carte de déploiement de la fibre – Mise à jour le 9 septembre 2021

Outre-mer, à l’exception de la Réunion (83 %)19, le déploiement de la fibre optique fait l’objet d’un important retard. Fin 2020, le taux d’éligibilité à la fibre des locaux situés dans les départements de Guadeloupe (22 %), Guyane (26 %) et Martinique (21 %) était très largement inférieur à la moyenne nationale (60 %). La fibre optique n’est pas disponible à Mayotte.

L’importance du déploiement de la fibre optique à la Réunion tient en partie au volontarisme de groupe Oceinde (opérateur ZEOP) qui a débuté l’installation de fibre sur l’île dès 2011 sur ses fonds propres. Il faut relever qu’en Guyane et en Guadeloupe, la vitesse de déploiement s’intensifie chaque année. Quant à la Martinique, le nombre de locaux éligibles augmente en moyenne de près de 50 % par an depuis trois ans, soit plus rapidement que la moyenne nationale.

A l’échelon départemental, les dix départements qui connaissent les plus bas taux de couverture sont la Dordogne, l’Ardèche, la Haute-Saône, la Creuse, la Nièvre, les Hautes Alpes, le Jura, la Martinique, l’Yonne et la Guadeloupe. Le pourcentage moyen des locaux éligibles à la fibre dans ces dix départements (17,5 %) est très largement inférieur à la moyenne des RIP (32 %) et plus de 40 points inférieur à la moyenne nationale. Certains de ces départements ont toutefois fait l’objet d’un déploiement d’infrastructures important au cours de l’année 2020 : le nombre de locaux éligibles a en moyenne plus que doublé l’année dernière dans les Hautes Alpes, en Ardèche, en Creuse, en Dordogne et dans le Jura, alors qu’on observe une augmentation de l’ordre de 32 % à l’échelle nationale.

Les services publics doivent être accessibles à toutes et tous

Dans son rapport Dématérialisation et inégalités d’accès aux services publics publié en 2020, le Défenseur des droits tirait la sonnette d’alarme. Les démarches administratives en ligne nécessitent a minima une connexion internet de qualité et l’accès à des équipements informatiques. Ces deux conditions, évidentes, ne sont pas réunies sur l’ensemble du territoire et dans l’ensemble des foyers français, créant des inégalités face aux possibilités d’usage des services publics en ligne, et, dans les cas où le seul moyen d’accès aux services est internet, une rupture d’égalité devant le service public. Ce principe à valeur constitutionnelle, qui procède de l’application du principe général d’égalité de tous devant la loi, proclamé par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, signifie que toute personne a un droit égal à l’accès au service public, participe de manière égale aux charges financières résultant de ce service, et doit être traitée de la même façon que tout autre usager.

Si les services publics doivent impérativement être accessibles à l’ensemble des habitant·es, la connexion à la fibre n’en est pas une condition déterminante. Des alternatives existent, certaines d’entre elles peuvent être moins onéreuses pour les citoyen·nes. À lire dans l’épisode 3 de ce dossier sur la fibre.

 

[1] Source : Acerp – carte de déploiement de la fibre – Mise à jour le 9 septembre 2021

 

Dossier spécial : Le raccordement à la fibre, enjeu social, économique et démocratique

Par Anna Mélin