Handicap : l’accessibilité numérique, une réalité en demi-teinte
« Le numérique ne sera vraiment responsable et éthique qu’à la condition que nos sociétés se donnent pour objectif de mettre ces innovations technologiques au service de tous. »
Rapport du Conseil national du numérique L’accessibilité numérique, entre nécessité et opportunité, publié en février 2020
Handicap : l’accessibilité numérique, une réalité en demi-teinte
L’enjeu de la prise en compte du handicap dans la sphère numérique englobe une multitude de facteurs. Il s’agit d’aborder la personne dans toutes ses dimensions, certes de ses déficiences, mais également de son environnement social, géographique, professionnel… Et donc, de penser différemment la création des outils numériques ainsi que leurs usages.
La prise de conscience de la nécessaire intégration du handicap dans les politiques publiques se télescope avec la volonté gouvernementale de mener, parfois à marche forcée, la dématérialisation totale des services publics. Nombreux sont nos concitoyennes et concitoyens qui se trouvent au bord du chemin numérique, ne parvenant pas à marcher aussi vite que l’impose la course technologique.
L’accès aux services publics : un droit fondamental
Le régime juridique du service public est organisé autour de trois grands principes. Le premier est celui de la continuité du service public. Le deuxième principe est celui de l’égalité devant le service public, à valeur constitutionnelle. Il signifie que toute personne a un droit égal à l’accès au service. Enfin, le dernier principe de fonctionnement du service public est celui dit d’adaptabilité ou mutabilité : le service public ne doit pas demeurer immobile face aux évolutions de la société ; il doit suivre les besoins des usagers ainsi que les évolutions techniques.
Or, à l’ère numérique, l’accès aux services publics tend de plus en plus à s’effectuer par voie dématérialisée. Avec le Plan « Action Publique 2022 » du Gouvernement, l’intégralité des démarches administratives devra être réalisable en ligne d’ici 2022.
Dans son rapport Dématérialisation et inégalités d’accès au service public publié en 2019 (dont Villes Internet parlait ici), le Défenseur des droits pointait les écueils en matière d’accessibilité numérique des sites publics. « La plupart des sites publics de l’État ne sont toujours pas en conformité avec la règlementation en vigueur et que la dématérialisation des démarches administratives, en raison de l’inaccessibilité des sites internet, est constitutive d’une fracture supplémentaire dans l’accès aux services publics et, ce faisant, d’une rupture d’égalité dans l’accès aux droits pour les personnes en situation de handicap. »
Alors que certains sites publics sont considérés comme des « modèles d’accessibilité », par exemple, le site servicepublic.fr ou le site du Conseil d’État, la plupart des sites empêchent les personnes en situation de handicap de réaliser leurs démarches en ligne. Selon le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), l’inaccessibilité des sites hébergeant les services publics résulte souvent des éléments suivants : l’absence de hiérarchisation de l’information sur les sites, l’absence de description d’une image qui exclut totalement les informations attachées à cette image, l’impossibilité de grossir les caractères, ou encore les ergonomies de site non adaptées.
Les collectivités territoriales, territoires agissants
Le baromètre de l’accessibilité universelle 2018 de l’association des paralysés de France (désormais APF France Handicap) indique que 40 % des sites internet des chefs-lieux de départements sont déclarés accessibles. Le rapport du Conseil national du numérique sur l’accessibilité numérique porte néanmoins un regard critique sur ces chiffres. « Si ce dernier chiffre semble plus flatteur pour les collectivités territoriales, notons qu’il n’est en rien représentatif de l’accessibilité réelle et surtout qu’il concerne les communes les plus importantes des départements français. En ce sens, la prise en compte de l’accessibilité numérique rejoint pleinement les enjeux de « fracture numérique territoriale ». En effet, la question des moyens humains des collectivités territoriales est d’autant plus présente que le territoire est isolé. Une étude sur les communes bretonnes montre que dans les zones isolées, 47 % des communes n’ont aucune ressource humaine interne pour utiliser les outils numériques contre 39 % dans les communes des petits et moyens pôles et 22 % pour les grands pôles. »
Villes Internet, dans son Atlaas, répertorie les territoires « agissants », ces acteurs de l’inclusion. Un faisceau de démarches a ainsi été engagé par la ville de Gentilly (94 – 5@) en faveur de l’accès des personnes en situation de handicap à l’information municipale, au numérique et aux espaces publics numériques. Les résultats sont à la hauteur de l’engagement de la ville. L’accessibilité du Cyberespace a permis à un agent en situation de handicap d’y faire un travail d’accompagnement de qualité. La réussite majeure de l’accessibilité des sites Internet est la vocalisation des pages et documents du portail de la Ville. Cette solution qui rencontre un grand succès est reconduite annuellement.
Premier objectif de la motion du 2e congrès national des élu·e·s au numérique, l’égalité d’accès aux réseaux et aux usages par les citoyens est au cœur des priorités des élus locaux. Cela concerne évidemment les aspects sociaux, financiers et techniques, mais le handicap est également un critère incontournable de l’accessibilité numérique. Remise aux conseillers du Président de la République et du Premier ministre, cette motion doit d’urgence rencontrer des déclinaisons concrètes sur nos territoires.
Dossier spécial : handicap et numérique, un long chemin vers l’égalité |