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Le numérique, outil et obstacle pour l’accès aux services publics dans les territoires ruraux

Saisie par le président de l’Assemblée nationale le 12 octobre 2017, la Cour des comptes a rendu public, le 20 mars 2019, un rapport sobrement intitulé « L’accès aux services publics dans les territoires ruraux ».

Au terme d’un échange fructueux entre les deux instances, quatre pistes d’investigations étaient dégagées afin d’encadrer les recherches. La troisième d’entre elles appelle à « évaluer les difficultés de l’accès à Internet dans les territoires ruraux ainsi que l’importance du développement des usages numérique pour l’accès aux services publics dans les territoires ruraux ».

La Cour des comptes démontre que la dématérialisation est une chance pour les territoires isolés

Au-delà des zones rurales françaises, le rapport s’intéresse particulièrement aux territoires ruraux situés en dehors des zones d’influence des grandes villes et des bassins d’emplois majeurs. Nous parlons ici de 15 % de la population. Il s’agit ainsi de répondre à deux questions principales : « l’évolution des services publics dans ces territoires permet-elle un égal accès des citoyens qui y résident ? Permet-elle de leur fournir des services efficaces à un coût maîtrisé ? ». À ces questions, Villes Internet ajoute celle de la place accordée au numérique dans cette évolution et dans les solutions apportées aux difficultés rencontrées.

Il s’agit ici de territoires, « le plus souvent non desservis par les grandes infrastructures de transports », qui sont marqués par une faible densité de population, une proportion élevée de personnes âgées, ainsi qu’un relatif déclin économique. Le portrait des habitants se dessine progressivement, faisant apparaître des personnes nécessitant particulièrement un accompagnement de la puissance publique. À cela, la Cour des comptes répond que « dès lors […] que le numérique devient partout un mode normal d’accès, il est, pour les territoires géographiquement enclavés ou isolés, un mode de recours incontournable et peut devenir un instrument d’égalisation des chances. »

Plus loin, la Cour des comptes avance l’argument de la dépense publique, expliquant que « la transformation numérique présente l’opportunité d’apporter un service plus efficace et moins coûteux, et de recentrer les agents publics sur les tâches à plus forer valeur ajoutée pour les usagers ».

Sans dynamique inclusive, le numérique deviendra un cauchemar pour une partie de la population

Néanmoins, pour que le numérique soit vecteur d’égalité des chances, deux conditions doivent être réunies : les infrastructures doivent être à la hauteur et les mêmes pour toutes et tous et la population la plus éloignée de l’usage de l’Internet doit être accompagnée. Or, les auteurs du rapport rappellent que « ces deux conditions sont loin d’être remplies ».
En effet, les « infrastructures numériques dans les zones rurales restent marquées par des insuffisances persistantes ». Preuve en est, la couverture du territoire tant pour le numérique mobile que pour la fibre.
De même, une large part de la population des zones rurales ne maîtrise toujours pas l’outil informatique et ne peut donc pas être obligée de s’en servir pour accéder aux services publics.

Ainsi, la Cour des comptes synthétise la problématique : « la dématérialisation ne peut constituer une solution spontanée aux difficultés d’accès aux services publics constatées dans ces territoires. Au contraire, insuffisamment anticipée et expliquée, elle risque de renforcer le sentiment d’exclusion qui est parfois celui de leurs habitants. ». Le Défenseur des droits avait dès lors souligné en 2018 « l’impact négatif de la dématérialisation des services publics sur l’accès aux droits des usagers. » (Lire ici notre article sur le rapport du Défenseur des droits)
Enfin, les auteurs du rapport alertent sur le risque de dérives que peuvent constituer des « offres de service supplétives payant, là où le service public était gratuit en accès physique pour le citoyen. » En effet, selon le Défenseur des droits, le ministère de l’intérieur lui-même orientait les usagers vers des intermédiaires pour pallier les difficultés du site ANRS courant 2018, constatant ainsi une dérive de la transformation numérique censée apporter un accès simplifié aux services publics.

Après une analyse incisive, des recommandations décevantes

Au terme des 130 pages de rapport, la Cour des comptes formule 13 recommandations. Ces dernières balaient l’ensemble des problématiques d’accès aux services publics des personnes vivant dans les territoires ruraux. Les deux dernières recommandations portent sur le numérique. Il s’agit de « favoriser l’accès numérique aux services publics, tout en conservant une complémentarité hiérarchisée des modes d’accès ». Et pour cela, les auteurs préconisent de « faire bénéficier à terme les territoires ruraux d’une couverture Internet très haut débit, ou de modalités d’accès à Internet de qualité équivalente. » De même, l’ultime recommandation porte sur le fait de « prévoir un principe d’accès multicanal au service public, consistant à compléter l’accès normal en ligne par une possibilité de recourir de façon hiérarchisée à d’autres modes d’accès, téléphonique ou physique. »

De quoi alimenter les échanges qui auront lieu les 27, 28, 29 août à Aurillac dans le cadre du salon Ruralitic, le rendez-vous annuel des territoires ruraux et numériques, sous le haut patronage de monsieur Emmanuel Macron, Président de la République. Villes Internet y tiendra un congrès des élus au numérique ruraux dont vous retrouverez le programme ici.

Par Anna Mélin