Le raccordement à la fibre, enjeu social, économique et démocratique
Qu’il s’agisse des loisirs, du travail, de l’éducation et des services publics, l’accès à une connexion Internet de qualité est devenu un besoin crucial des foyers français.
Le plan France très haut débit (PFHTD) lancé en 2013, consolidé en 2018 par le « new deal » mobile, prévoyait que la fibre optique jusqu’à l’abonné·e (fiber to the home, FttH) ou jusqu’à l’immeuble (fiber to the building, FttB) serait déployée sur 80 % du territoire en 2022 et à l’ensemble en 2025.
Fin 2020, selon les données de l’Arcep, 24,2 millions de foyers ou de bâtiments professionnels sur 40,6 millions, soit 60 %, étaient éligibles à une connexion en fibre optique. Cette proportion était de 22 % début 2017. La France se situerait ainsi en tête des pays de l’Union européenne pour le nombre de locaux (logements et locaux professionnels) pouvant avoir accès à la FttH-FttB. Pourtant, de nombreux territoires se trouvent laissés sur le bord de la route numérique et en subissent des conséquences alarmantes. Au-delà des grandes annonces, les collectivités locales se trouvent en première ligne pour permettre à leurs habitant·es d’accéder aux mêmes droits que leurs concitoyen·nes.
Article 1 : La connexion très haut débit, défi technique et démocratique
“L’inclusion numérique est le défi numérique de demain, mais cela nécessite une bonne structure. Dans notre ville, nous avons un gros problème avec la fibre. Que fait l’État pour que tout le monde soit fibré ?” Le ton consterné de Medhi Idouhamd, conseiller municipal délégué aux NTIC aux Ulis @@@@@2021 Essone – (91) est à l’image de celui de nombreux élu·es des territoires délaissés. Pourtant, en 2020, selon le référentiel commun publié en février 2021 par l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) et le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), 88 % de la population utilisaient Internet et 78 % en faisaient un usage quotidien.
La fibre optique en détails
Le FttH (Fiber to the Home – Fibre jusqu’à l’abonné) correspond au déploiement de la fibre optique depuis le nœud de raccordement optique (lieu d’implantation des équipements de transmission de l’opérateur) jusque dans les logements ou locaux à usage professionnel. Le FttH permet donc de bénéficier de tous les avantages techniques de la fibre sur l’intégralité du réseau jusqu’à l’abonné. Il se distingue d’autres types de déploiement qui combinent l’utilisation de la fibre optique avec des réseaux en câble ou en cuivre.
Le déploiement de la partie terminale des réseaux (boucle locale) s’entend :
- dans les rues (déploiement horizontal)
- puis dans les immeubles (déploiement vertical dans les immeubles collectifs)
- enfin jusque dans les logements (raccordement final).
Le déploiement d’un nouveau réseau FttH constitue la solution la plus pérenne pour proposer des services de communications électroniques à très haut débit en situation fixe.
Les réseaux FttH sont pour le moment essentiellement déployés dans les grandes agglomérations. Ils permettent à ce stade de bénéficier d’un débit de l’ordre de 100Mbit/s symétrique, c’est-à-dire dans le sens descendant (réception d’information) et dans le sens montant (envoi d’information).
Une fibre optique est un fil de verre ou de plastique, plus fin qu’un cheveu, qui conduit la lumière. Le signal lumineux injecté dans la fibre est capable de transporter de grandes quantités de données à la vitesse de la lumière sur plusieurs centaines, voire milliers, de kilomètres. Cette technologie est déjà utilisée depuis plus de vingt ans notamment pour le transport de données entre les grandes agglomérations. Son extension jusqu’aux logements va permettre de répondre aux besoins croissants en débits et en services des particuliers et des entreprises.
La fibre optique est capable d’acheminer des débits considérables, environ 100 fois plus élevés que le réseau actuel en cuivre (technologie ADSL). Contrairement au réseau actuel, la fibre optique transporte des données sur de très longues distances, quasiment sans atténuation du signal, quelle que soit la localisation du logement, est insensible aux perturbations électromagnétiques, ce qui garantit une meilleure qualité et permet des débits symétriques.
De même, les nouveaux réseaux en fibre optique permettent de bénéficier des services d’accès à Internet et d’offres multiservices avec une meilleure qualité et dans des conditions plus confortables qu’avec les réseaux actuels.
De l’école au travail, des loisirs aux services publics, le besoin de connexion est général
« Les lycéens allaient au McDo de Castelnaudary [à 20 km] pour se connecter sur Parcoursup », racontait Catherine Puig, maire des Cassés (Aude), dans Le Monde du 15 février. Cet exemple illustre le télescopage entre les inégalités sociales et les problèmes de connexion Internet. Et les conséquences peuvent être très lourdes.
Selon Médiamétrie, à l’occasion de la crise sanitaire, les Français·es ont dû réinventer leur vie quotidienne : apprendre et travailler autrement, faire leurs courses, maintenir le dialogue avec leur famille et leurs amis malgré la distance, et même se détendre et se cultiver loin des cinémas, des salles de spectacle et des musées. Internet a joué un rôle majeur dans cette nouvelle organisation en permettant à des Français·es confiné·es et parfois isolé·es de se recréer un quotidien à travers les écrans. Ainsi par exemple, 80,5% des 15-24 ans se sont connectés aux sites et applications de formation/éducation pendant le 1 er confinement et près de la moitié des CSP+ ont utilisé des services de messagerie professionnelle et de visioconférence pour télétravailler. Dans le secteur de la restauration, fermetures obligent, les internautes ont opté pour la livraison ou encore le “drive” dont l’audience a doublé entre octobre 2019 et avril 2020 passant de 7 millions de visiteurs uniques à 13,6 millions en 6 mois. Préoccupés par leur santé et celle de leurs proches, les internautes ont aussi largement utilisé les services médicaux disponibles en ligne, que ce soit pour prendre des rendez-vous médicaux (+26% d’audience en un an), ou téléconsulter un professionnel de santé.
Lors de la table ronde sur la jeunesse organisée par Villes Internet dans le cadre de Ruralitic, Pascal Plantard, sociologue, rappelait qu’un des phénomènes majeurs de la crise sanitaire est l’explosion de la communication entre les parents et les enseignants avec l’école à la maison.
Mais cela n’est possible que lorsque la connexion Internet est performante. Et c’est loin d’être le cas sur l’ensemble du territoire national, comme nous le verrons dans le deuxième article de ce dossier.
Dossier spécial : Le raccordement à la fibre, enjeu social, économique et démocratique
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