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Le tarif social de l’Internet Épisode 2

À l’heure où les outils numériques envahissent le quotidien des Françaises et des Français, conditionnant souvent leur accès à l’emploi, aux prestations sociales, et leur place dans la société, l’absence de connexion Internet constitue une des causes de la création d’un « fossé numérique » entre les citoyens. Une fracture que les pouvoirs publics ont la responsabilité de limiter, voire d’éliminer.

Au début des années 2000, considérant que le principal obstacle à l’acquisition par les ménages d’une connexion Internet résidait dans son coût financier, les responsables politiques ont choisi de mettre en place une tarification sociale de l’Internet.

Vingt ans plus tard, les dispositifs existants demeurent largement illisibles. De nombreux textes les réglementent, certains appliqués et d’autres pas, et des mesures annoncées ne sont mises en œuvre que plusieurs années plus tard. Quel paradoxe ! Voilà des outils pensés pour les publics défavorisés, qui précisément devraient pouvoir trouver toutes les informations facilement, mais dont les pistes sont brouillées par un jargon juridique et économique impénétrable.

Il s’agit ici de reprendre l’histoire du tarif social de l’Internet en France, d’y apporter des éléments du contexte européen, et enfin de dresser le portrait de la situation actuelle et des pistes de solutions pour l’avenir.

 

Le tarif social de l’Internet, chronologie européenne d’une montée en charge

 

L’idée que l’accès à une connexion Internet devrait être universel s’est imposée petit à petit au sein de l’Union européenne depuis le début des années 2000. La Commission s’est dès lors saisie du sujet.

 

2010, la consultation sur le futur service universel à l’ère numérique

 

« Comme les marchés et la technologie évoluent constamment, nous devons veiller à ce que personne ne soit exclu de la société numérique. »

C’est ainsi que Mme Neelie Kroes, membre de la commission chargée de la stratégie numérique de l’Union européenne justifiait le lancement d’une consultation publique sur le « futur service universel à l’ère numérique » le 2 mars 2010. « Cette consultation nous aidera à établir si nous devons actualiser les règles en vigueur pour faire en sorte que tous les Européens aient accès aux services de communications essentiels, y compris à l’Internet rapide. » poursuit-elle.

La Commission formule ainsi les questions qu’elle soumet au débat :

  • Concept de base du service universel : le concept actuel de service universel a été défini pour les services traditionnels de télécommunications vocales, mais cette approche est-elle toujours valable dans l’environnement numérique évolutif d’aujourd’hui ? Quelles politiques devons-nous mettre en œuvre pour que les habitants des zones rurales et isolées ou les personnes à faible revenu puissent avoir accès aux services de télécommunications de base et les utiliser ?
  • Haut débit : la couverture en haut débit est essentielle pour favoriser la croissance et l’emploi en Europe. Or, 23 % de la population en zone rurale n’a pas accès au haut débit sur réseau fixe. Les principes du service universel contribueront-ils à la réalisation de l’objectif européen du « haut débit pour tous », ou la concurrence sur les marchés ouverts des télécommunications, voire d’autres options stratégiques, seraient-elles plus efficaces ?
  •  Souplesse nationale et approche européenne coordonnée : le niveau de développement du marché des télécommunications, la disponibilité du haut débit, le taux d’adoption par les consommateurs et les solutions gouvernementales apportées au problème dit de la « fracture numérique » peuvent varier considérablement d’un pays à l’autre. Quel est le juste équilibre entre une réponse coordonnée à l’échelle de l’UE et une nécessaire souplesse au niveau national ?
  • Financement : comment le service universel doit-il être financé à l’avenir ? Pour assurer la couverture universelle en haut débit, le secteur des télécommunications doit-il fournir une contribution financière ou faut-il faire appel aux deniers publics étant donné que d’autres secteurs économiques et la société dans son ensemble en tirent également profit ?

Aucun bilan de cette consultation ne semble disponible, mais il est certain que ces questions, et les réponses dont elles ont bénéficié ont structuré les politiques mises en œuvre par la suite.

 

2016, État de l’Union : la Commission ouvre la voie à une plus grande et une meilleure connectivité Internet

 

80 % des Européens ont un téléphone portable, 50 % disposent d’un smartphone et ils sont 315 millions à utiliser Internet tous les jours, chiffres qui ne font qu’augmenter.

Dans ce contexte, et dans la dynamique de sa stratégie pour un « marché unique numérique », la Commission européenne a adopté le 14 septembre 2016 « une série d’initiatives et de propositions législatives afin de placer l’UE à l’avant-garde de la connectivité Internet ». Parmi ces mesures, nous retrouvons :

–       Un nouveau code des communications électroniques européen qui résulte de la fusion de quatre directives, dont celle sur le service universel.

–       Un règlement visant à aider les collectivités locales à fournir gratuitement à la population un accès public au Wi-Fi

Dans son communiqué, la Commission déclare que « ce train de mesures […] vise à faire en sorte que l’UE donne à tous les Européens — agriculteurs, enseignants, chercheurs, entrepreneurs, créateur, etc. — les moyens d’exploiter au mieux les possibilités qu’offre le numérique et à préparer le terrain pour l’avenir numérique de l’Europe. »

Afin de parvenir à une meilleure connectivité, y compris pour les personnes qui n’utilisent pas encore Internet, la Commission propose de fournir une aide directe, au titre du mécanisme pour l’interconnexion en Europe, à toute autorité publique, dans les grandes ou les petites collectivités, pour qu’elle offre gratuitement à la population des points d’accès public au Wi-Fi. 120 millions d’euros ont ainsi été débloqués, répartis entre 6000 et 8000 localités, soit un « coupon » de 15 000 euros par commune. Un premier appel à candidatures vient de se terminer, mais il est possible qu’un second soit prochainement ouvert. Les collectivités volontaires peuvent s’inscrire sur le site Wifi4eu.

Ainsi, pour la première fois, l’accès au « haut débit de base » est considéré comme un service universel dans le droit de l’UE. Cela signifie que chacun devrait pouvoir accéder à l’Internet de base à tarif abordable.

De Bruxelles à Montségur-sur-Lauzon, quelle est l’application de ce « droit universel » ? Une personne sans revenus en France ou Finlande peut-elle réellement avoir accès à Internet ?

Retrouvez prochainement la suite de ce sujet dans le troisième volet du Tarif social de l’Internet. Celui-ci abordera la situation actuelle de la France, avec notamment, la Loi pour une République numérique adoptée le 7 octobre 2016.

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Par Anna Mélin