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Les collectivités territoriales face au défi de l’inclusion numérique

Les collectivités territoriales face au défi de l’inclusion numérique

23 %. C’est le pourcentage de Français, soit 11 millions de personnes, qui disent ne pas être « à l’aise avec le numérique », selon une enquête commandée par le SPS (Syndicat de la Presse Sociale) à l’Institut CSA.  En regardant ces chiffres de plus près, il en ressort que précarité sociale rime souvent avec précarité numérique. Dès lors, comment les collectivités territoriales peuvent-elles répondre à l’enjeu de dématérialisation sans laisser une partie des citoyens au bord du chemin des services publics ?

L’illectronisme, futur mal du siècle ?

Inscrire son enfant au centre loisirs, faire une demande de carte d’identité ou d’aide sociale… autant de démarches que les administrations dématérialisent de plus en plus. Censées faciliter la vie des usagers, elles peuvent néanmoins devenir un calvaire pour celles et ceux qui ne maîtrisent pas les outils numériques. Des difficultés qui prennent désormais le nom d’« illectronisme ». L’illectronisme est au numérique ce que l’illettrisme est à la langue française.

Toujours selon l’enquête SPS/CSA, 42 % des personnes interrogées qui confient ne jamais utiliser internet avancent l’argument d’une trop grande complexité de l’outil. Et pourtant, les sollicitations, voire les obligations d’effectuer certaines démarches en ligne, sont de plus en plus nombreuses. Preuve en sont les longues files d’attente dans les agences de Pôle emploi les jours d’ouverture de l’actualisation où les demandeurs d’emploi viennent solliciter l’aide d’un agent pour réaliser cette simple opération. En d’autres termes, l’accueil physique demeure incontournable pour permettre à tous d’accéder aux services auxquels ils ont droit.

Les collectivités territoriales s’engagent pour une société numérique inclusive

Pour Michèle Pasteur, directrice générale de l’Agence Nouvelle des Solidarités Actives (Ansa), le constat est sans appel, « le numérique porte beaucoup de promesses, mais doit relever un défi : faire en sorte que ces promesses concernent tout le monde. » Perte d’employabilité, non-recours aux droits, isolement, les conséquences de l’illectronisme peuvent en effet être lourdes. Elles interpellent l’ensemble des pouvoirs publics, locaux et nationaux. C’est dans ce contexte que le gouvernement a enclenché, en janvier 2018, la construction d’une stratégie nationale pour un numérique inclusif. Pour apporter des éléments de réflexion et d’action à cette problématique, l’Ansa a initié l’organisation d’un « Labo de l’Ansa » sur le thème de l’inclusion numérique.

De leur côté, les collectivités territoriales redoublent de détermination pour proposer des solutions. Ainsi, afin de lutter contre l’inemployabilité, la ville de Bron @@@@@2018 (Rhône) a mis en place des permanences pour accompagner les chômeurs dans leur recherche d’emploi.

Car si la tendance reste de considérer globalement que les « personnes exclues du numérique » sont les personnes âgées — ce qui est en partie vrai —, elles ne sont pas les seules.  Toute une partie de la population, jeune ou moins jeune, n’a en réalité pas les moyens d’accéder à l’outil numérique. « Pour certains, il est déjà difficile d’être pleinement citoyen, il ne faut pas que le numérique ajoute à cette difficulté des barrières matérielles », alerte Michèle Pasteur.

Les aidants, pierre angulaire de l’inclusion numérique

Comme le rappelle la directrice de l’Ansa, « il existe une porosité entre l’accompagnement social et l’insertion numérique », les métiers se croisent et parfois se superposent. Il s’agit donc d’envisager l’ensemble des aidants sous le double angle : social et numérique. La Mission Société Numérique ajoute que « la transition vers une forme de tout-numérique percute de plein fouet l’organisation des services sociaux ».

Les collectivités locales ne s’y trompent pas et prennent les mesures. Ainsi la Maison des Langues de la ville de Garges-lès-Gonesse @@2018 (Val-d’Oise) sollicite des conseillères de la Caisse d’Allocations familiales (CAF) afin d’informer les Gargeois sur les missions des travailleurs sociaux, les prestations et les critères d’éligibilité, et les démarches en ligne sur le site internet Caf.fr. L’objectif ? Rendre les bénéficiaires plus autonomes, notamment les femmes qui représentent une grande majorité des stagiaires.

Et Michèle Pasteur de filer la métaphore : « le numérique est un terreau, il peut y pousser de belles plantes comme de mauvaises herbes ». Charge aux collectivités locales de sélectionner ce qu’il y a de bon.

Le numérique produit aussi des solutions

A Frontignan la Peyrade @@@@ 2018 (Hérault), la municipalité a décidé de s’ouvrir à la e-santé avec la mise en place d’une application qui permet de définir un plan de soins et d’accompagnement sur mesure et d’assurer une meilleure coordination entre les familles, les intervenants à domicile et les professionnels de santé pour une prise en compte globale des patients.

Dans le même esprit, le Centre communal d’action social (CCAS) de la ville de Bayonne @@@@@ 2018 (Pyrénées-Atlantiques) s’est doté d’un système de télégestion mobile pour améliorer le service aux personnes accompagnées et le quotidien de ses 120 agents en charge de l’aide à domicile — dont 96 % de femmes — qui se déplacent donc désormais en compagnie de leur smartphone. Elles peuvent ainsi consulter leur planning en temps réel, leurs missions, les informations sanitaires et sociales de celles et ceux à qui elles rendent visite… Sans compter l’utilisation du flashcode qui permet, lors du passage au domicile du bénéficiaire, un pointage plus facile et régulier.

« Cette volonté d’inclusion numérique est une vision globale de la société. C’est un cercle vertueux qui permet une coopération féconde entre tous les acteurs » conclut Michèle Pasteur. En somme, le terreau est donc fertile à condition de bien l’utiliser.

 

Pour aller plus loin, consultez le site internet de l’Ansa.

Vous pouvez également écouter l’émission de France Culture Soft Power, animée par Frédéric Martel, dont l’épisode du 18 novembre portait sur “la pauvreté et le numérique”.

Par Anna Mélin