Les tiers-lieux, un choix de société
Ils sont régulièrement convoqués pour illustrer une démarche innovante, pour mettre en avant un territoire, ou même parfois pour saupoudrer une touche de modernité sur une politique publique légèrement vieillissante. Pourtant, les tiers-lieux appréhendés comme une démarche globale initiée par la société civile constituent le socle de la troisième voie du développement de notre société. Une voie moderne, écologique, coopérative et solidaire.
Chapitre 1
Les tiers-lieux, un choix de société
De l’apparition du concept en 1989 à son déploiement soutenu par l’État aujourd’hui, les tiers-lieux expriment le désir partagé d’acteurs de se regrouper, pour créer, inventer, travailler, et faire ensemble. Malgré leur institutionnalisation, ils recouvrent une multitude de secteurs et d’acteurs. Leur définition évoluera au fil des transformations qui traversent notre société. La volonté de partager des idées dans une communauté d’individus, le souci de participer à un modèle écoresponsable, l’essor du statut du travailleur et travailleuse indépendant·e, la souffrance au travail, la fatigue engendrée par les mobilités pendulaires entre son lieu de travail et son domicile, sont autant de facteurs qui expliquent le succès des tiers-lieux.
En somme, ils constituent une alternative pertinente pour co-construire de nouvelles formes d’organisation, pour faire société autrement.
Un nouvel espace pensé pour l’individu dans le délitement de structures collectives socialisantes
Le tiers-lieu est né à la suite de la parution d’un ouvrage en 1989 du sociologue américain Ray Oldenburg « The great good place »[1]. Les territoires sont appréhendés comme les nouveaux laboratoires sociaux et les tiers-lieux sont ces nouveaux espaces hybrides où les individus peuvent se rencontrer, se réunir et échanger de façon informelle. Oldenburg a développé ce concept à partir de son observation des interactions sociales dans le nouvel aménagement urbain aux États-Unis dans la seconde partie du 19e siècle et du XXe. La révolution industrielle, les mouvements migratoires, l’apparition d’une classe moyenne et du rêve américain ont vu pousser les banlieues et l’explosion des maisons individuelles avec jardin. Tout se concentrait dans ces lieux purement résidentiels et dans un autre lieu, celui de la vie professionnelle. Entre ces deux espaces, la vie intime et la vie professionnelle, aucun autre ne permettait de créer du lien et des espaces de sociabilité : le tiers-lieu a comblé ce vide.
Le concept évolue au gré des transformations de la société et des enjeux politiques
Dans sa thèse, Antoine Buret qualifie le tiers-lieu de fabrication « un emplacement mettant à la disposition d’individus des ressources techniques et des machines de qualité professionnelle dans un réseau de sociabilité gouverné par les principes de libre partage des savoirs. » Le chercheur appelle tiers-lieu de travail un emplacement mettant à disposition de télétravailleur·euse·s et de travailleur·euse·s indépendant·e·s un environnement matériel pour exercer une activité professionnelle dans un réseau de sociabilité.
Comme l’indique Raphaël Besson, les tiers-lieux recouvrent des réalités multiples. Pour l’expert en socio-économie urbaine et docteur en sciences du territoire et auteur d’un rapport pour le compte du ministère de la transition écologique, « certains tiers-lieux se positionnent autour de thématiques comme l’environnement, la santé, l’agriculture ou la culture scientifique. D’autres se spécialisent sur la question des villes, des territoires ou du design.» La notion se développe en réalité de manière essentiellement empirique. Le sociologue identifie 5 catégories de tiers-lieux : tiers-lieux d’innovation, sociaux, d’activité, de service et d’innovation publique et culturels.
Au-delà des définitions « scientifiques », les tiers-lieux sont ce qu’en font leurs créateurs et créatrices dans une démarche chaque jour plus innovante. Trouvant leur source dans tous les champs de la société, leurs impacts positifs sont nombreux.
Chapitre 2 Tiers-lieux, carrefour d’influences positives | Chapitre 3 Le déploiement des tiers-lieux : quelques exemples |