L’Evaluation des politiques publiques a l’heure du numérique.
Intervention de Florence Durand-Tornare – ENA – 22 septembre 2016
Colloque organisé par la Société Française d’Evaluation sur le thème
LE DEFI DE LA REVOLUTION FOUDROYANTE DU NUMERIQUE
Big DATA et Open DATA, quels enjeux pour l’évaluation ? Quels apports pour la démocratie participative et le développement territorial ?
» Le Numérique ajoute à la révolution de l’Internet. Dans les années 2000 Internet c’est l’espace mondial d’accès à la connaissance, à la collaboration, au commerce et aux loisirs qui surgit à la portée de tous. Le numérique aujourd’hui c’est l’ère de la mobilité, des objets connectés, de l’intelligence artificielle et de la robotisation. Internet et numérique composent un univers matériel et immatériel dont l’énergie est « la » donnée, vocable global rassurant face au volume immense de l’addition des données. En cette journée d’automne 2016, 2,5 exaoctets de données ont été « publiées » par 2,5 milliards d’êtres humains et 6 milliards d’objets connectés (sources croisées bien que peu vérifiables !). C’est le » big data » qui permet d’adapter les stratégies des organisations en fournissant des informations critiques pour des actions ciblées. Il peut permettre d’accéder à des opportunités d’affaires et contrôler certains risques. Cette « arme de l’économie moderne » peut servir aussi au secteur public pour mieux produire la gestion locale et mesurer le développement local. Entremêlés ces flux inondent les territoires de rhizomes d’informations, de documents, d’images, de chiffres. Les directions des systèmes d’information des collectivités s’engagent courageusement dans l’organisation de la collecte et l’analyse pour produire et offrir des services souvent essentiels comme l’accès aux droits, aux démarche et aux services.
Avec l’ « Open data » en France il s’agit donc pour l’administrateur interministériel de la donnée, d’accélérer l’organisation et la mise à disposition de tous des données « publiques », la récente décision du législateur le demande aux 4.000 collectivités de plus de 3.500 habitants.
Dans cette ère de la donnée, l’évaluation des politiques publiques, comme ces politiques elles-mêmes, sont évidemment questionnées sur leurs objectifs et leurs méthodes stratégiques. Quand la « datacratie » menace la « sondocratie » l’évaluateur peut être déstabilisé. Quand l’instantanéité, l’asynchronicité et l’ubiquité sont possibles, que la veille continue et automatisée des échanges fait fleurir des baromètres efficaces ; maintenir les dispositifs présentiels d’enquête peut sembler caduc. Soyons rassurés l’impact émotionnel de la dialectique et du débat face à face, leur dimension ludique, constitue une part d’humanité que la raison saura préserver.
Les faits montrent que les moyens numériques donnent une puissance de transformation à ceux qui les maitrise, en permettant d’approcher de façon holistique des systèmes complexes d’interactions. Dans le secteur public, Ils permettent, par exemple, de concilier les dimensions très différentes d’un bassin de vie : les faits de mémoire , les normes, les représentations, les systèmes de valeur, les objectifs (dimensions empruntées à la science des risques).
Le numérique et ses forces illimitées d’analyse de données massives, provoque les consciences par le partage des savoirs et des connaissances. Imagine-t-on comment des informations vérifiables accessibles à tous, peuvent fonder l’élaboration de la loi et redonner un pouvoir d’agir concret et utile aux citoyens ? Les instances participatives pourraient être alors des outils de collaborations avec les représentants élus pour renforcer l’action publique. Et peut-être dans cette intelligence collective faire naitre une nouvelle « confiance sociale » ?
S’emparer du numérique pour faire vivre les valeurs républicaines est essentiel dans un rapport déséquilibré avec le secteur marchand qui en fait son outil de prédilection. Souvent outil de manipulation, il est facteur d’une croissance indéniable… fortement impactante sur l’équilibre écologique de la planète. Comme une « crise », transversale aux autres, qui renvoit des chances formidables aux risques majeurs.
Dans une société où les habitants, usagers et administrés, sont largement consommateurs de ces nouveaux services attractifs, décrypter les techniques du marketing et poser une éthique sur leur utilisation dans les politiques publiques est une éducation critique de la responsabilité de l’Etat.
Il est donc fondamental que les décideurs et leurs experts évaluateurs s’approprient cette « culture numérique », ses chances et ses risques pour un « gouvernement ouvert », une ville à la fois servicielle et animée ; avec un service public garant d’égalité et de pleine conscience des risques et des choix.
Et qu’ils entament une évaluation des politiques publiques numériques locales et nationales. Une évaluation largement diffusée et aux données ouvertes bien sûr ! L’association « Villes internet » et son label national constant depuis plus de 10 ans peut contribuer à l’exposition des actions concrètes de son réseau de collectivités engagées, et participer à pointer ces chances et ces risques de ce qu’il faut, toujours, appeler une « révolution copernicienne ». «