La genèse des logiciels libres
Logiciels libres et services publics
Il est fréquent que les générations qui se succèdent aient l’impression d’inventer de nouveaux concepts en en changeant les noms, la présentation ou la communication. Le numérique n’échappe pas à ce mouvement, bien au contraire. On nous parle de médiation numérique comme d’une idée inédite et révolutionnaire, quand elle existe depuis de nombreuses années déjà. De même, il serait possible de croire que les logiciels libres auraient vu le jour ces dernières années, à la suite de l’élan novateur incroyable des start-ups nations. Alors qu’ils ont vu le jour dès les années 1960, sans en porter le nom, libres sans le savoir.
Villes Internet consacre un dossier à sujet, outil démocratique central de l’Internet citoyen. Nous reviendrons sur l’histoire des logiciels libres et leurs définitions avant d’aborder l’usage qui en fait par les services publics et les collectivités locales en particulier.
Chapitre 1 : la genèse des logiciels libres
Comme le soulignent Philippe David et Hélène Waeselynck dans leur ouvrage Logiciel libre et sûreté de fonctionnement – Cas d’usage publié en 2003, « le logiciel libre est plus vieux que le logiciel propriétaire. En effet, dès les années 1960, le code source de certains logiciels était distribué sans restriction sur des forums particuliers. »
En 1985, Richard M. Stallman publia son « manifeste GNU ». Il y écrit : « Les éditeurs de logiciels cherchent à diviser et à conquérir les utilisateurs, en interdisant à chacun de partager avec les autres. Je refuse de rompre la solidarité avec les autres utilisateurs de cette manière. […] Pour pouvoir utiliser les ordinateurs en accord avec ma conscience, j’ai décidé de rassembler un ensemble suffisant de logiciels libres, pour pouvoir me débrouiller sans logiciels non libres. »
La même année, la fondation pour le logiciel libre, Free Software Foundation est créée. Son action est consacrée à « l’abolition des restrictions sur la copie, la redistribution, la compréhension et la modification des programmes informatiques ».
Le « libre » devient alors un mouvement technique, législatif et politique.
Débats sur la définition d’un logiciel libre
Le concept de logiciel libre reposant sur des mots équivoques et parfois mal traduits soulève de nombreux débats d’interprétation. La question « qu’est-ce qu’un logiciel libre ? » est dès lors source de controverses, ce qui n’empêche pas de rassembler la communauté sur certains éléments.
Le terme « libre » est polysémique, plus encore en anglais. En effet, free signifie à la fois libre et gratuit, ce qui génère une forte ambiguïté lorsqu’il est associé à « logiciel ». Cela entraîne en effet la confusion sur le fait qu’un logiciel libre soit forcément gratuit, ou qu’un logiciel gratuit soit forcément libre. Or, ce n’est pas le cas. Philippe David et Hélène Waeselynck précisent que contraindre à la liberté, tel est le paradoxe induit par l’« esprit » du logiciel libre, et que les licences se réclamant de ce mouvement se doivent de résoudre. Habituellement, les contraintes (réduction des libertés) imposées à l’utilisateur d’un logiciel sont spécifiées dans la licence qui lui ait associée et qui fait référence au copyright (droit d’auteur).
Le logiciel libre poursuit dès lors le double objectif de préserver les droits de l’utilisateur et de l’auteur.
La licence, socle de la « liberté »
Une licence de logiciel est dite « libre » si elle garantit à l’utilisateur·trice les quatre libertés suivantes :
- la liberté d’exécuter le programme, pour tous les usages
- la liberté d’étudier le fonctionnement du programme, et de l’adapter à ses besoins. Pour ceci l’accès au code source est une condition requise.
- la liberté de redistribuer des copies, avec ou sans contrepartie financière
- la liberté d’améliorer le programme et de publier ses améliorations, pour en faire profiter toute la communauté. Pour ceci l’accès au code source est une condition requise.
Cette définition proposée par la Free Software Foundation a été complétée en 1998 par l’Open Source Initiative concrétisée par deux éléments : le dépôt de la marque Open Source et l’élaboration d’un document de référence l’Open Source Définition. Ce document reprend les critères de la FSF et précise certains éléments afin de lever des ambiguïtés.
Les logiciels libres, objets juridiques, économiques et politiques
Les critères de définition des logiciels libres sont cumulatifs, et c’est bien là une condition déterminante à la survie du concept. Survie d’autant plus compliquée que des entreprises regorgent d’imagination pour les contourner en créant des licences dérivées (suite bureautique StarOffice, Windows 2000, etc.) qui ne respectent que certains critères et brouillent les pistes. Des sommes d’argent immenses sont en jeu.
Si les développeur·euses et utilisateur·trices des logiciels libres s’affranchissent de nombreuses contraintes du Web, ils et elles sont néanmoins soumis·es aux corpus réglementaires et législatifs nationaux et internationaux. Sur ces bases, les logiciels libres peuvent être attaqués en justice pour non respect du droit d’auteur, du droit commercial ou encore de sécurité intérieure.
Sur ces bases, les services publics nationaux et locaux sont entrés dans le mouvement du libre. À lire dans l’épisode 3.
Dossier spécial : les logiciels libres
|