La parole à Sylvie Robert et Patrick Chaize, marraine et parrain du 5e Congrès national des élu·es au numérique
Plus d’une centaine d’élus locaux sont attendus au Palais du Luxembourg, le 16 octobre prochain pour leur 5e Congrès national des élu·es au numérique.
Présidents et présidentes d’intercommunalités, maires, vice-présidents et vice-présidentes, adjoints et adjointes au maire, conseillers et conseillères municipaux impliqués au quotidien dans la mise en oeuvre de leurs politiques numériques locales, ils seront accueillis par Sylvie Robert et Patrick Chaize, un binôme de sénateurs au profil très complémentaire qui se préparent à co-parrainer ce 5e rendez-vous national. La parole leur est donnée pour proposer un cadre initial de réflexion en amont de la rencontre.
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Le 5e Congrès national des élu·es au numérique a donné lieu à la rédaction d’une motion remise à Dominique Faure, Ministre déléguée chargée des Collectivités territoriales et de la Ruralité.
Villes Internet : Vous parrainez et marrainez tous les deux le 5e Congrès national des élu·es au numérique que vous accueillerez au Palais du Luxembourg le 16 octobre prochain. Quel message souhaitez-vous adresser aux élus locaux ayant une délégation au numérique en France aujourd’hui ?
Patrick Chaize : Je tiens tout d’abord à dire que c’est un honneur que de parrainer ce Congrès national ! Le numérique est un sujet important pour le développement de notre pays, tant en ce qui concerne l’aménagement du territoire que le développement des usages associés. Il doit toutefois être abordé avec responsabilité. Il est primordial que les élus s’en saisissent dans son ensemble pour en maîtriser les enjeux, les bienfaits mais aussi les risques. Je veux ici souligner les questions liées à la sécurité, à la souveraineté et plus particulièrement à l’impact environnemental.
Sylvie Robert : Tout d’abord, je tiens à vous remercier de cette initiative qui tend à devenir un rendez-vous annuel attendu. De notre côté, c’est avec un grand plaisir que nous vous accueillons au Sénat.
La liste de « messages » pourrait être longue, mais si je devais en choisir un seul, je dirais aux élus locaux en charge du numérique qu’en tant que législateurs, nous sommes là pour les accompagner et faciliter l’exercice de leurs missions au quotidien, devenues ô combien primordiales pour le service public local, mais aussi ô combien complexes. Maîtrise de la donnée, multiplication et évolution sonique des usages, développement de l’intelligence artificielle, impact du numérique sur l’ensemble des politiques publiques, cybersécurité et protection des données etc.. L’élu local au numérique est à la confluence d’enjeux considérables ; il doit en permanence être sur le qui-vive, s’adapter, se réinventer. C’est à la fois passionnant et vertigineux. C’est pourquoi, le législateur doit impérativement accompagner les collectivités territoriales – et les élus locaux en charge du numérique donc, dans leur transformation numérique, en collant à leurs besoins et en leur apportant l’ingénierie nécessaire le cas échéant.
Villes Internet : Selon vous, quelles sont les priorités du numérique public local ?
Patrick Chaize : Le numérique doit être vu et utilisé comme un véritable outil pour l’action publique. A ce titre, des priorités, il y en a ! On pense souvent aux réseaux fixes et mobiles, et il est vrai qu’entre la complétude des déploiements FttH, la résilience de nos réseaux, la qualité des raccordements à la fibre, la fermeture annoncée du réseau cuivre, ou encore le déploiement de la 5G, l’actualité déborde ! La priorité est-elle pour autant toujours du côté des tuyaux ? Disons qu’il y a toujours trop de sujets préoccupants, mais dans l’ensemble, l’évolution est bonne à défaut d’être suffisamment rapide.
En revanche, il est certain que des secteurs moins médiatiques comme la cybersécurité, l’inclusion numérique, l’éducation numérique, l’utilisation croissante des objets connectés pour mieux gérer la ville, la gestion de l’espace ou la transition énergétique, sont des piliers importants dans lesquels le numérique public local doit s’investir. Un exemple peut-être pour illustrer l’importance de ces sujets : depuis plusieurs années maintenant, les collectivités locales – tous échelons confondus – investissent beaucoup plus dans l’équipement numérique des établissements scolaires que dans la construction de réseaux. Autre exemple, les menaces contre la sécurité physique et informatique de nos réseaux et systèmes d’information, qui me semblent grandir plus vite que les protections que nous mettons en place. La cybersécurité est d’ailleurs peut-être la priorité des priorités…
Sylvie Robert : Étant membre de la délégation aux collectivités territoriales, le sujet qui me vient d’emblée à l’esprit est la cybersécurité. Quand nous avons travaillé sur cette problématique, j’ai été frappée de constater à quel point nous étions vulnérables. Je ne pense pas que l’Etat ait pris la juste mesure du problème quand il s’est posé. Une prise de conscience est en cours et les procédures se mettent en place, notamment avec l’ANSSI. Mais il est regrettable que nous soyons, bien souvent, dans la réaction et non dans l’anticipation des difficultés posées par le numérique. En attendant, ce sont les collectivités territoriales qui peuvent être fragilisées, voire paralysées.
La seconde priorité politique tient à l’amélioration du service public local grâce au numérique. Sur ce point, nous devons à la fois saisir les opportunités qu’ouvre le numérique, tout en prenant garde de ne pas en faire l’alpha et l’omega de nos politiques publiques. Beaucoup de nos concitoyens en sont encore éloignés, par manque d’équipements ou de formation. Autrement dit, je ne crois absolument pas au solutionnisme technologique appliqué à l’administration. En revanche, l’amélioration du service public local grâce au numérique, brique par brique, avec la volonté d’inclure l’ensemble des populations dans cette évolution constitue un horizon souhaitable. Trouver l’équilibre s’avère délicat, mais je suis certaine que c’est possible.
Villes Internet : Comment le Sénat peut-il contribuer à porter les propositions de la motion de ce 5e Congrès national des élu·es au numérique ?
Patrick Chaize : Le Sénat est un lieu où le numérique est abordé avec une grande attention et de manière transpartisane. Je peux en témoigner en tant que président du groupe numérique. Les débats y sont sérieux et les textes sont quasiment tous votés unanimement. Le rôle du Sénat est d’autant plus important en la matière qu’aucune grande loi du numérique n’a été portée par un gouvernement depuis la loi pour une République Numérique du 7 octobre 2016 (dite « loi Lemaire »). Il est probable que l’initiative, une nouvelle fois, en revienne au Sénat. Je m’y prépare en tout cas et me ferai fort d’y inclure les propositions qui seront faites par le 5e Congrès national des élu·es au numérique, propositions qui devraient d’ailleurs rejoindre peu ou prou celles faites par l’Avicca et d’autres associations d’élus.
Sylvie Robert : En premier lieu, j’ai hâte de prendre connaissance des propositions de la motion de ce 5ème Congrès national des élus au numérique. Ensuite, quand je relis celles portées lors du précédent Congrès, je note deux éléments : premièrement, un nombre substantiel de ces propositions rejoignent les préoccupations soulevées régulièrement dans notre hémicycle ; deuxièmement, certaines sont audacieuses et mériteraient d’être portées et approfondies, à l’instar des schémas directeurs ou de la formation des acteurs locaux.
Le Sénat peut être particulièrement utile, de par sa sensibilité aux problématiques et aux enjeux des collectivités territoriales. C’est sa spécificité : être en prise avec les territoires. Par-delà les propositions, il peut aussi aider à établir un cadre, à mettre en place une méthodologie pour fluidifier les relations entre les collectivités, l’Etat et ses opérateurs. En matière numérique, nous savons qu’une multitude d’acteurs, selon les domaines, entre en jeu. Il faut donc des circuits informationnels et décisionnels bien définis, qui peuvent être enclenchés rapidement pour mieux agir ou réagir. En d’autres termes, la structuration du réseau se révèle fondamentale. Le Sénat peut contribuer à l’amélioration de cette édification.
Patrick Chaize est sénateur de l’Ain (01), membre de la commission supérieure du numérique et des postes, président de l’AVICCA, vice-président de la FNCCR en charge du numérique et membre du Conseil national du numérique.(crédit photo ©Sénat/Sonia Kerlidou)
Sylvie Robert est sénatrice d’Ille-et-Vilaine (35), vice-présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication et membre de la CNIL.