Point de vue de Frédéric Marty, maître de conférences

Selon vous, les « jeunes » sont-ils une entité homogène dans leur manière de s’informer ?

Frédéric Marty, maître de conférences en Sciences de l’Information et de la Communication à l’Université Paul Valéry Montpellier 3 : Une large partie des travaux universitaires qui s’attachent à étudier les pratiques médiatiques des jeunes montrent au contraire une réelle hétérogénéité. En effet, les dynamiques sociales classiquement observées dans les pratiques culturelles traditionnelles demeurent déterminantes et distinctives concernant le numérique.

La notion de « fracture numérique » renvoie d’ailleurs à ce double fossé pour les classes populaires, en termes d’accès d’une part (équipement et qualité du réseau) puis d’usage (ce que l’on fait et quel sens on y donne).

Pour Dominique Cardon, Internet est un « multiplicateur d’inégalités », notammentdu point de vue du niveau d’étude. C’est ce que démontre par ailleurs nettement l’enquête internationale CAPACITY  ou encore les récentes études du CREDOC : « 90 % des personnes déconnectées n’ont pas le bac. Ces personnes disposent en général de revenus faibles, estimés égaux ou inférieurs à 1500 euros par mois. Parmi les déconnectés, 78 % d’entre eux sont des seniors, méfiants quant à l’usage de leurs données personnelles et soucieux de limiter leur consommation. À l’inverse, les cadres sont plus nombreux que les autres à être à l’aise avec les nouvelles technologies. À titre d’exemple, ils effectuent plus volontiers leurs achats sur Internet. 79 % des 25-39 ans et 82 % pour les diplômés du supérieur pratiquent le commerce en ligne. Les inégalités se retrouvent enfin dans les usages, entre les internautes qui évoluent et s’adaptent de manière agile et ceux qui se contentent d’une utilisation limitée et quasiment mécanique à Internet ». Finalement, on peut observer davantage de disparités entre les compétences d’un jeune urbain issu d’un milieu socialement favorisé et un jeune issu des classes populaires, qu’entre ce jeune et un adulte au même profil sociologique.

Le rôle de l’Éducation nationale et l’École est donc central pour faire en sorte que les générations nées avec le numérique aient un niveau de compétence homogène et moins discriminant socialement tant elles sont aujourd’hui nécessaires à une société réellement inclusive.

Ressources :

Les fractures numériques : paradoxes d’une France connectée

Digital natives : démythifier le mythe des « natifs vs immigrants » du numérique