La protection des données personnelles : un enjeu d’identité du citoyen.
Florence Durand-Tornare, fondatrice de l’Association Villes Internet, préface le guide « Mettre en oeuvre le RGDP dans les collectivités » écrit par Laurent Charreyron ( Territorial Editions – Mai 2018), expert qui a accompagne l’association sur ces questions (Assises de l’Identité Numérique du Citoyen 205/2017 et Etats Généraux de la protection des données personnelles 2018/2019/2020) elle souligne combien la protection des données personnelles est un enjeu politique.
“Je suis française, majeure et vaccinée : mes données m’appartiennent ! »
Cette phrase prononcée la tête haute revendique une identité : je suis femme, émancipée et responsable . Je porte mon identité comme ma liberté. Simplement ces quelques mots informent mes interlocuteurs sur mon pays d’origine, mon âge et ma santé. Pourtant est-ce bien la vérité ? En France en 2018, pour le prouver je dois fournir des informations vérifiables par l’administration publique : lieu et date de naissance, numéro de sécurité sociale ou attestation fiscale. Cette preuve de l’« état de civilité » d’une personne reste en 2018 à fournir sur support physique (papier ou numérique). Le plus souvent imprimées, lisibles et tenues en main, ces déclarations signées, nous donnent accès à nos droits aux moments clés de nos histoires de vie : naissance, décès, élection, emménagement, études, soins vitaux,… Ces données me permettent de re-naitre régulièrement dans l’espace public pour exercer mes droits et devoirs de citoyen. Et ces droits me sont « donnés » par celui qui détient l’autorité. Le propriétaire des supports matériel de ces « données » personnelles doit être “de confiance”. L’ordinateur n’est qu’une machine intermédiaire des ordres qui lui sont donnés, en l’occurence par l’Etat et ses administrations, centrales ou locales. Pour autant mes droits me sont dûs et personne ne doit en tirer un pouvoir commercial, idéologique, ou politique.
Dématérialisation de l’identité : une révolution de la liberté ou du contrôle ?
Dans les années 60 les scientifiques chercheurs en mathématique et en informatique inventaient l’internet. Sur ces réseaux numériques une information est chiffrée puis découpée en morceaux dans un ordinateur avant de circuler dans des câbles pour être reconstituée sur le bureau numérique du destinataire. Une sécurité inédite pour la circulation de l’information, que les organisations internationales de défense ont immédiatement plebiscité. On y voit l’outil du secret, clé de la victoire dans une guerre froide qui n’en finissait pas. Quelques philosophes français, à l’approche d’une autre révolution, de rue celle là, ont exploré la part “copernicienne” de cette innovation technique. Il y ont vu son impact sociétal immense sur les démocraties vivantes, par définition instables. Très vite les chercheurs en droit les ont suivi en exprimant la question fondamentale de l’appartenance et de la propriété : “A qui appartient l’objet numérique ?”. Les débats et les règles se percutent : droit de l’auteur, droit de l’hébergeur, droit de l’éditeur. On laisse à l’utilisateur le droit à l’oubli et à l’Etat une curieuse concurrence, la souveraineté numérique. Les lois sont publiées, les décrets pas toujours suivis. Les conseillers diplomatiques se font prospectivistes “Il est vraisemblable qu’on va assister à une victoire du droit privé sur le droit public, les réseaux correspondant plus au domaine du contrat privé qu’au domaine du contrat social. Ils accoucheront d’une société de marché. Le système judiciaire sera remplacé par des arbitres. Même le politique disparaîtra, puisque le contrat sera individuel et non plus social.” annonce alors Jacques Attali.
Le joli mois de mai
Ce 25 mai 2018 c’est la naissance d’un règlement européen qui s’inscrit pour les français dans l’histoire républicaine. Qu’en sera-t-il outre un vaste marché de nouveaux experts ? Le début de la propriété des données par le citoyen ? Ou un meilleur outil de contrôle, marchés d’un côté, Etat de l’autre ? Ce règlement est un grand cadre dans lequel chaque élu, chaque décideur public doit peindre le tableau de ses responsabilités. Et pour le moins, à haute voix, exiger la transparence et la connaissance, car la complexité en matière politique ne peut pas être synonyme d’une ignorance qui arrange bien certains acteurs. Souhaitons que les nombreux délégués à la protection des données, rendus obligatoires par la CNIL, aient pour première mission l’éducation à la défense des droits numériques des citoyens, au sein même des collectivités locales. 25 mai 2018 : une révolution plus citoyenne que numérique ? On en parlera lors des Etats Généraux de la Protection des Données Personnelles que Villes Internet engage avec les collectivités jusqu’au 25 mai 2020 !
Vigiles pour changer d’attitude
Au milieu du 17ème siècle Spinoza a affirmé que si l’État veut se maintenir il ne doit exercer aucun contrôle sur les pensées et les idées de ses habitants. Suivons ce grand guide et continuons de produire de la démocratie avec le respect des identités et des données qui en sont la preuve. S’éduquer pour protéger son identité et débattre pour en construire collectivement les défenses. Oui internet et les technologies sont sources d’émancipation des individus. Une source qui ne doit pas tarir quand on nous invite à redéfinir encore la vie privée.
La vigilance est un principe pour les élus, et décideurs publics, membres de l’association Villes Internet. Vigiles pour saisir le meilleur de la technologie et savoir limiter ses excès, raisonnablement sans ne la diviniser ni la diaboliser. Comme un produit des intelligences humaines dont les motivations diverses n’autorisent aucun évitement. Tout abus en matière d’identité abuse la société collectivement.
Commençons avec cet ouvrage, exercice délicat mené par Laurent Charreyron, co-concepteur des premiers débats ouverts sur ce sujet, le Cycle d’Assises de l’Identité Numérique du Citoyen que Villes internet a produites de 2015 à 2016. Conscient des controverses qui ne vont pas manquer d’émerger, et des usages qui poseront de nouvelles questions, Laurent éclaire les opportunités pour les libertés personnelles. Il rappelle la genèse et décrit des méthodes, toujours soucieux de la place à protéger, celle du citoyen. Il nous invite à “changer d’attitude”. Suivons le …
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