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Entretien avec Serge Barbet, directeur délégué du CLEMI

Publié le 27 mars 2019 Education

Anna Mélin : vous venez d’organiser la 30e édition de la Semaine de la presse et des médias dans l’école. Quels premiers enseignements pouvez-vous en tirer sur l’évolution des usages des jeunes concernant les médias ?

Serge Barbet : les réseaux sociaux sont la porte d’entrée des jeunes sur l’information. Une étude du ministère de la Culture révélait en juillet que les trois quarts des 15-34 ans les utilisent chaque jour et cela se passe de plus en plus sur les smartphones. Ce que confirme une récente étude de Médiamétrie : 60 % des 15-24 ans utilisent exclusivement leur mobile pour se connecter. Pour s’informer, les jeunes disent également suivre les journaux télévisés, ou encore les plateformes de vidéos en ligne et les flashs infos des radios musicales. Ce qui est intéressant, c’est de constater que les jeunes s’intéressent à l’information, contrairement à nombre d’idées reçues, que certains se disent même « accros ». Les nombreux ateliers menés pendant la Semaine de la presse et des médias dans l’École viennent corroborer ces tendances. Tout l’enjeu est donc de répondre à cette demande en renforçant l’éducation aux médias et à l’information à l’école et autour de l’école ; mais aussi, du point de vue des médias, en allant davantage sur les territoires de la jeunesse.

AM : l’enjeu dans l’éducation aux médias est-il de vouloir transmettre aux jeunes « la bonne manière de s’informer » ou de leur donner les outils qui leur permettront de décrypter l’information qui leur parvient par de multiples canaux ?

SB : l’enjeu est de former de futurs citoyens libres, aptes à penser par eux-mêmes et à exercer leur sens critique face à tous types de contenus sur tous types de supports. C’est la mission de l’école d’assurer cette éducation à l’ère numérique de l’information circulant en permanence sur les plateformes et les réseaux sociaux, avec la menace que constitue pour nos démocraties la prolifération des infox et des théories du complot. Nous devons être capables d’apprendre aux enfants et aux jeunes à devenir des sujets à part entière, ouverts, actifs, et non des objets aux mains des algorithmes, en leur montrant notamment le fonctionnement des réseaux sociaux et des plateformes numériques, les bulles de filtre, les biais de confirmation, l’utilisation qui est faite de leurs données personnelles… L’école ne peut endosser seule cette responsabilité qui doit aussi mobiliser les autorités publiques et les collectivités territoriales.

AM : vous avez publié en 2017 le guide pratique « la famille Tout-écran ». Quels étaient les objectifs de ce guide ? Avez-vous un retour sur l’impact qu’il a eu dans les familles ?

SB : ce guide gratuit rencontre un vrai succès lié au fait qu’il donne des conseils très pratiques aux parents et aux familles pour que chacun trouve sa place à l’heure du numérique. Nous venons d’éditer une nouvelle édition actualisée et grâce à un partenariat avec la CNAF, nous avons produit une série web et TV inspirée du guide disponible en libre accès sur notre site. Info/infox, rumeurs, cyber harcèlement, temps passé sur les écrans : on invite toutes les générations à un usage maîtrisé du numérique sans les stigmatiser, et c’est ce qui fait que ça marche. Face à de nombreuses demandes, nous avons aussi édité un kit d’accompagnement pédagogique pour mener des ateliers avec les jeunes ou leurs parents sur le temps scolaire et hors temps scolaire.

 

Qu’est-ce que le CLEMI ?

Fondé en 1983, le CLEMI, service de Réseau Canopé, opérateur du ministère de l’Éducation nationale, est l’acteur institutionnel clé de l’éducation aux médias et à l’information en France. Son ancrage historique lui a permis de développer des partenariats solides et une expertise dans tous les domaines médiatiques (presse papier, radio, télévision, Internet) qui le dotent d’une compétence pointue de conseil à la création et au soutien des médias scolaires, au service de l’expression des élèves. La Semaine de la presse et des médias, son opération phare depuis plus de 25 ans, traduit son engagement citoyen auquel s’ajoutent d’autres dispositifs plus récents tels que la Journée du direct, le Wikiconcours, le concours Arte Reportage ou encore le concours des médias scolaires et lycéens Médiatiks, qui mettent en lumière la production médiatique des élèves avec l’enjeu de la publication responsable à l’heure des réseaux sociaux.

 

 Éducation aux médias : notre dossier spécial

Par Anna Mélin